Sur invitation – un texte de Marie-Pierre Panzani
J’avais rendez-vous pour déjeuner à 13 heures, boulevard Saint-Germain. J’étais arrivée en avance. Je m’installais à la terrasse ensoleillée des Deux-Magots.
La lumière dévoilait le printemps en train de poindre. Les femmes portaient des lunettes de soleil, et les boutiques affichaient les couleurs de la saison.
J’aime ces instants minuscules où devant une tasse à café, le monde se rapproche, où les tasses passent d’une table à l’autre. J’avais écris dans un post précédent qu’autour d’une tasse à café, le monde se parlait, se découvrait.
J’étais plongée dans mes pensées lorsqu’un homme se retourna vers moi, hésita trente secondes et me dit : » Marie » ? Je connaissais ce visage. Voyant mon étonnement, il s’approcha de ma table et me dit » je suis Marco . »
La vie est étonnamment extraordinaire. Marco est écrivain, il vit à Tel Aviv. Je fis sa connaissance sur un réseau social, Facebook. Il y parlait de ses livres. Il avait écrit un livre sublime, » l’ivresse du reproche », qu’il m’avait offert par le biais de sa maison d’édition. Nous échangions quelques commentaires, moi en France, lui en Israël.
J’ai écrit un roman à propos des réseaux sociaux. A cette époque, j’avais un « work in progress », je doutais. J’avais demandé à Marco ce qu’il en pensait. Aussitôt lu, il m’envoya ses commentaires. Il m’encouragea à poursuivre, il m’indiqua une direction pour reprendre mon roman, que je suivis. Plus tard, Je confiai mon manuscrit à une autre amie écrivain, Marie Ferranti, qui m’encouragea aussi de toute son affection et de sa bienveillance. Mon livre fut publié. Marie plongea dans le chant d’automne de Baudelaire et trouva le titre : » Adieu vive clarté de nos êtes trop courts « .
Les année passèrent. Les souvenirs pâlirent avec le temps. Je dis que la vie est extraordinaire, parce qu’elle est souvent faite de rencontres improbables, d’amitiés inattendues qui font des instants rares.
Marco venait d’acheter des livres à l’écume des pages, nous parlâmes de son fils reçu à Normal sup, des maisons d’éditions, d’Israël, de la France, de l’antisémitisme, de la réédition de Mein Kampf et des droits tombés dans le domaine public. Il me raconta l’hiver rigoureux de Tel Aviv… Comme si nous nous connaissions depuis toujours à la manière des vieux amis.
Il y a des gens que l’on rencontre tous les jours et que l’on ne connait pas, ceux que l’on connait et qu’on ne rencontre jamais, et puis il y a ceux que l’on rencontre par hasard et qu’il nous semble d’avoir toujours connu.
Marco Koskas : l’ivresse du reproche aux éditions Fayard
Marie Ferranti: la princesse de mantoue aux éditions Gallimard