Sur invitation – un texte de Marie-Pierre Panzani
Quand nous, femmes, pénétrons dans une boutique de chaussures, deux grandes préoccupations nous animent : le confort, qui souligne notre démarche, et l’esthétique, qui révèle notre capacité séductrice. Suivant notre humeur, l’une prend le pas sur l’autre.
Le pied, c’est la fin de notre corps, l’aboutissement de la représentation, il nous termine. La chaussure fonctionne comme une projection de soi, une enveloppe gainante du dehors et du dedans, ajustée à la partie la plus alerte de notre corps. Elle pare à la fragilité de l’image, ponctue la tenue, donne la touche finale. C’est un peu comme les pantoufles de vair de Cendrillon : une affirmation de notre part de princesse, une synthèse de notre féminité.
Pour une femme, l’escarpin est un emblème, il représente le quelque peu de liberté qu’une femme moderne consent à abandonner pour montrer l’accomplissement de sa féminité. Il symbolise sa capacité éternelle à être une princesse, à tout donner, l’espace d’un instant, au paraître, en dissimulant la gène, la contrainte. Il témoigne de sa dualité de femme : force en même temps que fragilité.
À partir de neuf centimètres de talon, une autre image de femme surgit. Cette hauteur oblige à rentrer le ventre, à contracter la ceinture abdominale pour soutenir le dos. Les seins et les fesses ressortent. Posée sur ce piédestal de cuir, la femme devient une statue moderne sensuelle et sacrée, évoquant un désir cependant interdit.
Je suis à Saint Germain, je regarde la démarche des femmes, leur chaussure. Les princesses de la rue sont des femmes en errance qui ont peur de vieillir, angoissées par la solitude. Elles semblent en promenade dans les profondeurs de leur inconscient. Les princesses de la rue baissent alors les yeux et se regardent dans le miroir de leurs chaussures.
Rouge, jaune, rose, noir, nude, orange, jean, bleu, turquoise, métallique. Au printemps, mesdames, nous aurons toutes les couleurs à nos pieds.