Sur invitation – un texte de Marie-Pierre Panzani

Chaque jour, je prends le métro pour arriver au boulevard Beaumarchais. J’ai le même amusement quand j’atteins la station « Filles du Calvaire », ce nom me fait penser au chemin christique et au roman majestueux de Pierre Combescot, l’histoire d’une famille juive pendant l’occupation.

J’ai toujours été attirée par les quais de gare, les stations de Métro, je ne sais pas pourquoi. Je me souviens des grands films dont les personnages s’attendent, se retrouvent, s’aiment, meurent sur le quai d’une gare, Anna Karenine, Mr Klein, les uns et les autres, et bien d’autres… Ce sont les tragédies de la vie qu’on oublie trop souvent.

Mais au plus lointain de mes souvenirs, c’est le Noël où mon frère Mathieu reçut en cadeau un train. La magie s’empara de la maison.

C’est peut être aussi l’idée du grand voyage, un début, une fin, ou une façon de se démarquer, mettre de la distance ou entrer dans la fiction.

Chaque jour je suis sur le quai d’une station de métro, j’attends le wagon, je saute, me précipite, je cours. J’ai peur de le rater. Je descend les escaliers en courant, je m’arrête devant quelques saltimbanques, et le soir, si le cœur m’en dit, je chante avec le trompettiste.

Au détour d’un couloir carrelé, soudain, les notes d’un Ave Maria de Caccini s’envolent, résonnent et les hauts-bois, les cordes, vous emmènent dans une transe tournoyante. J’imagine une femme venant chercher son mari, son fils, son frère, son père, son fiancé. Elle se tient sur la pointe des pieds et cherche, à travers les vitres, le visage tant rêvé et tant attendu.

Je voyage d’une station à l’autre, d’un point à l’autre. Je traverse Paris. Les voyages forment la jeunesse. J’ai 50 ans. je vis.

Hier j’ai reçu un sms : « Rendez-vous 19h40 quai du Pont Neuf ». J’ai pris la ligne 7, j’ai vu son sourire sur le quai.