« Certains dimanches d’été ». Le choix de commencer par la lettre C plutôt que la lettre A reflète une volonté littéraire d’esquiver le début de l’histoire. On commence de plain pied, au milieu. C est la troisième lettre de l’alphabet, comme l’été est troisième saison. C’est au milieu de l’histoire que le ciel descend sur terre. Guy Goffette inverse le processus de la Genèse, il défait ce que Dieu avait fait le deuxième jour, il avait séparé les eaux d’en haut de celles d’en bas. Dans une sorte d’anticréation, Guy Goffette dessine des routes inutiles qui perpétuent une confusion générale. Au milieu du tryptique tragique des familles sans auto, des chevaux sans maître, des filles gommées des calepins, « chevaux sans maître » évoquerait une idée de liberté, comme si de la confusion, elle pouvait spontanément naître, en l’absence de toute intelligence, ce serait comme un roseau de liberté qui plierait indéfiniment à tous les vents.

Dans cette apocalypse, tout voyage est immobile, il se déroule dans un pays rendu, qui a perdu toute existence.

On croirait volontiers cette histoire, si ce n’est que le soir ramène l’antihomme au machinal : rentrer le banc, passer la barrière, le seuil. Au bout du chemin, il le ramène à lui même, au jeu des ombres, à son propre corps, dans une antisensualité qui s’écrase dans la glace d’un miroir éternel, un tableau figé dans les siècles.

Les six lettres de FAMINE claquent comme un désir désespéré autour de trois consonnes pressées retenues dans leur course par des voyelles implacables. Rien d’autre au bout du mot que la famine, encore et encore, prise dans une éternité de désir immobilisé, momifié, congelé…

Références :   Isabelle Chol, Gallimard

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