Par Invitation Jeanine Ive
Hier soir, je suis enfin allée voir « Anatomie d’une chute« . Il était sûrement temps, depuis le 27 mai quand le film a été visionné par tout le gotha cinématographique. Dès lors, le buzz n’a pas cessé de courir, jusqu’au 23 août, date de la sortie en salle. Le film était déjà merveilleux avant que le grand public l’ai vu.
Techniquement, il est parfait. Les acteurs sont excellents, ils jouent leurs rôles à la perfection. Leur jeu naturel crée un sentiment de proximité, exhaussé par la taille de l’écran, qui nous plonge irrésistiblement au cœur de l’action. La mise en scène est intelligente, elle créé, malgré l’argument sombre du film, un climat intimiste, propre à porter la thématique du film. Justine Triet est une surdouée, elle coche toute les cases. Son sujet, le couple, est abordé sous tous les aspects, affectifs, professionnels, sexuels, psychanalytique. Elle aborde tout ce qui intéresse une femme moderne éduquée lorsqu’elle réfléchit sur son couple. Elle nous amène à prendre conscience que l’inéluctable effondrement du couple a déjà eu lieu, comme il a déjà eu lieu dans le couple du spectateur, comme il a déjà eu lieu dès le début du film, avec la mort du père.
Du couple, elle peint une vision sombre, pessimiste, et en creux, la vision optimiste de la femme, de la mère, libérée de ce carcan antédiluvien, qui est soudain autorisée à vivre selon la définition d’une liberté la plus actuelle. C’est le sens de la fin du film qui montre les retrouvailles de la mère et du fils, prêts, sans le fardeau du père, à embrasser la vie plus légère qui s’offre à eux.
Pourtant, à la sortie de la salle de cinéma, une sensation étrange, d’inachevé, de superficialité, s’est emparée de l’attentive spectatrice que j’ai été pendant 2h30. Où est l’art, l’art qui va au fond des choses, dans les méandres de l’esprit des personnages, même s’ils sont dissemblables au spectateur ? La psychanalyse du père telle que la résume la mère, écrivaine intimiste, est un peu brutale. La scène où elle rabroue le psychanalyste officiel pour défendre sa propre thèse, relevant du journal intime est comique. Le message, adressé aux femmes, qui leur dit, relever vous, prenez de la distance avec vos psychanalystes, vos analyses valent meiux que les leurs, est pathétique de naïveté.
De même, on ne peut pas croire au procès. La souffrance de cette femme, dans une telle situation, soumise à la réelle violence de la justice qui dans le film a été édulcorée, aurait du être beaucoup plus grande. Justine Triet veut ignorer la réelle tragédie du procès, pour ne pas affaiblir son argument, focalisé sur le couple.
La fin du procès qu’elle a conçu comme une apothéose, marque l’effondrement du film. Baser la chute du film sur l’idée fausse que vérité sort de la bouche des enfants est une faute majeure, elle trébuche et emmène le film avec elle. Le jeu du jeune Milo Machado Graner est pourtant exceptionnel, le film repose en partie sur lui, sauf que mal guidé par Justine Triet, on ne peut pas croire à ce personnage qui a la lucidité, le calme, le sang froid, d’un adulte, et duquel va sortir la vérité.
Une Palme d’Or ne doit pas que saluer l’excellence technique, elle doit aussi saluer le soulèvement intellectuel et émotionnel qu’elle engendre, et sur ce plan, le film reste à plat.