Un soir d’il y a vingt ans, je m’étais égaré à voir un documentaire, non moins déroutant, « Looking for Paoli ». Les murs des multiples Paoli Cities témoignent du croisement de deux destins, celui de Paoli et de Jefferson, alors qu’ils ne se sont probablement jamais rencontrés. La constitution de l’un aurait inspiré celle de l’autre, qui, en retour lui vouait une admiration totale, au point de la communiquer à ses compatriotes. Paoli était ici adulé par une mémoire vivante, alors qu’en Corse, il était devenu la vénérable pâture des historiens et des politiques.

Une fois l’écran devenu noir, je vis une sorte d’oiseau farouche traverser la salle, à toute vitesse, en équilibre précaire, sur ses escarpins. Ses yeux fixaient toutes les directions, animés par le désir supérieur de tout voir. « Je suis Catherine Sorba, vidéaste, j’ai réalisé ce documentaire avec Francis Aiqui. » dit-elle avec sa voix d’actrice qui prit d’un coup possession de la salle. Il y avait à la même époque une exposition sur Benjamin Franklin au Musée Carnavalet. Nous nous étions revus et avions évoqué, cette fois ci, la probable rencontre entre Paoli et Franklin ainsi que leur appartenance à la franc-maçonnerie.

j’ai revu à plusieurs reprise Catherine, à l’occasion des événements dada qu’organisaient annuellement ses amis américains à Paris. Je l’ai revu aussi, lorsqu’elle organisa à Montreuil la première de L’échange de Paul Claudel. Elle jouait Marthe, je crois, hiératique, tout en noir, puissante comme une tragédienne grecque, une Antigone moderne. C’était une merveilleuse actrice.

Enfin, je l’ai revu à plusieurs reprise au théâtre Aleph à Ivry sur Seine, jouer avec Oscar Castro, un personnage solaire qui nous a quitté le 25 avril 2021, emporté par la Covid. Elle avait joué la démocratie de la peur, une pièce shakespearienne, à mi-chemin entre le songe et l’absurdité de la vie, qui tente d’invoquer les grands personnages du drame que tissent le bien et du mal.

Elle avait récemment présenté un documentaire « e stelle à e stelle » qui, en quelques dizaines de minute, concentrait ce qu’il y avait de plus fort dans les 50 dernières années qu’a vécu la Corse, une sorte de testament de vie.

Elle avait la tête pleine d’étoiles et illuminait tout ce qu’elle touchait. Catherine nous a quitté le 13 mai dernier.

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